
Récemment, l’ours brun s’est de nouveau retrouvé sous les projecteurs des médias, suite à la décision élyséenne de ne pas réintroduire une femelle en Béarn. Les lobbies pro-ours dénoncent la disparition définitive d’une espèce pourtant déclarée « en voie d’extinction ».
L’ours brun habitait les terres boisées françaises depuis le Néolithique. À partir du XVIIIe siècle, les ours disparaissent des plaines pour concentrer leurs territoires dans les montagnes, fuyant ainsi l’éradication et la chasse par l’homme. À cette époque, une prime était versée pour l’élimination des animaux dits « malfaisants ». Les programmes de protection de l’ours voient le jour en 1962, deux années avant l’interdiction officielle de la chasse à l’ours. On comptabilisait alors environ soixante spécimens dans les Pyrénées. Pourtant, malgré ce nombre suffisant pour permettre un renouvellement de l’espèce, ces ours sont morts, les uns après les autres, jusqu’à la dernière représentante de cette espèce, Cannelle, abattue par un chasseur, le 1er novembre 2004.
Le braconnage est bien évidemment la principale raison de la disparition de l’ours pyrénéen. Malheureusement, celle-ci entraîne inévitablement un déséquilibre écologique et facilite l’apparition de nouveaux prédateurs.
Le retour de l’ours est positif
Depuis plus de quinze ans, la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées s’est démontrée positive : les plantigrades en provenance de Slovénie se sont bien adaptés à leur nouveau territoire pyrénéen. Une bonne reproduction y a été observée, y compris un cas de reproduction entre un mâle (Néré) et la dernière femelle de souche pyrénéenne (Cannelle). Malgré ce que l’on entend souvent, toutes les études d’opinion montrent que les Pyrénéens sont favorables à la présence de l’ours. L’animal n’apparait pas dangereux pour l’homme. Aucune attaque d’ours sur un homme n’a été constatée en quinze ans, et même depuis cent cinquante ans dans les Pyrénées. L’ours ne menace pas réellement l’élevage. Les chiens errants provoquent, chaque année en France, la mort de quelque cinq cent mille moutons et il n’est pas pour autant en projet d’éradiquer cette espèce. En effet, les dégâts causés sont limités. Grâce aux mesures de protection des troupeaux, les pertes globales sont même plus réduites qu’avant 1996 ! Le retour de l’ours a aussi permis de mobiliser d’importants moyens pour moderniser les conditions de vie et de travail des bergers en montagne.
Le dossier ours, un enjeu politique ?
Depuis la mort de Cannelle, la réintroduction d’une ourse dans les Pyrénées-Atlantiques est une nécessité biologique pour la survie de la population d’ours des Pyrénées, composée uniquement de mâles en Béarn. En juillet 2010, à l’occasion de la réunion du comité de massif des Pyrénées, la secrétaire d’État à l’Écologie, Chantal Jouanno, avait annoncé sa volonté de réintroduire prochainement une femelle dans les Pyrénées occidentales et s’était engagée à remplacer tout ours qui disparaîtrait. Le bilan de la réintroduction des ours bruns dans les Pyrénées est positif et la sauvegarde de l’espèce ursine s’intègre tout naturellement dans la stratégie nationale pour la biodiversité de la ministre de l’Écologie, Nathalie Koscuisko Morizet. Pourquoi donc ne pas effectuer cette réintroduction qui participerait à la sauvegarde d’une des principales espèces déclarées « en voie d’extinction », « prioritaires » en Europe par la directive « Habitat » dont la France est signataire ?
Favoriser les conditions d’une coexistence pacifique
Sur une population de vingt individus, il ne reste que deux mâles adultes en Béarn. Les dernières ourses de la zone ont été tuées, Cannelle par un chasseur, Franska dans un accident de la route. Il faudrait remplacer les ours tués par l’homme. « C’était le minimum annoncé il y a presqu’un an et l’on était en droit de l’attendre une semaine après le lancement de la stratégie nationale pour la biodiversité », déclare Christine Sourd, directrice adjointe des programmes du WWF-France en charge de la biodiversité.
Selon Serge Orru, directeur général du WWF-France, « la question n’est pas d’être pour ou contre l’ours mais de permettre de vivre avec l’ours en créant les conditions d’une coexistence pacifique et harmonieuse entre les activités pastorales et ce symbole historique de l’identité des Pyrénées. Comment se fait-il que l’on reste sur des crispations inutiles et dépassées pour les derniers ours des Pyrénées, alors que cela se passe plutôt bien en Slovénie, en Roumanie ou en Finlande, où les populations d’ours dépassent plusieurs centaines de bêtes et sont souvent une ressource économique majeure pour ces pays ? En cette année internationale de la biodiversité, la France doit avoir le courage d’entamer sa révolution culturelle sur la biodiversité et comprendre que sa richesse est une chance économique ».
Propos recueillis par Emmanuelle Klein