Ici, les consommateurs ne sont pas des clients mais des adhérents, au même titre que les producteurs. Jean-Luc, animateur de cette association, calquée plutôt sur le modèle d’une coopérative, nous en explique les fondements, le mode de fonctionnement et les objectifs.
Pourquoi avez-vous choisi ce poste d’animateur ?
Jean-Luc : J’ai passé trois années en Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) à Marseille, dont deux en tant que membre du conseil d’administration, où j’ai notamment contribué à créer la première fête des Amap de Marseille (devenue depuis la fête des Paniers marseillais). Je suis entré chez Tout Naturellement comme adhérent il y a quatre ans. Un an plus tard, lorsque le poste d’animateur s’est libéré, on me l’a proposé et je l’ai accepté. Je l’ai envisagé comme la suite logique de mon processus de prise de conscience commencé en Amap. Si on croit que les choses doivent changer, il ne faut pas attendre que ça vienne d’en haut. Il faut s’y mettre. On m’a donné l’opportunité de travailler en ce sens. Difficile de refuser !
Cette association n’est pas une Amap, quelle est la différence ?
J.-L. : Nous poursuivons les mêmes buts que les Amap :
– développement de l’agriculture et des productions bio de proximité ;
– système d’échange commercial solidaire ;
– recherche du prix juste, respectueux pour le travail du producteur comme pour la bourse du consommateur.
Les différences se situent au niveau de l’organisation. Tout Naturellement fonctionne sur le principe d’une coopérative dont les consommateurs et les producteurs sont adhérents. C’est un outil commun qui permet d’établir un lien entre eux.
Mais Tout Naturellement, c’est aussi :
– des fruits et des légumes toutes les semaines avec les paniers bio ;
– le reste des courses, une fois par mois, avec une commande groupée mensuelle.
Pour nos paniers hebdomadaires, nous travaillons avec une quinzaine d’agriculteurs locaux et bio, ce qui nous permet d’avoir des paniers toute l’année, avec des légumes et presque toujours des fruits. La commande groupée mensuelle permet d’accéder à divers produits alimentaires : thé, café, sucre, chocolat, céréales, farines, pains, produits laitiers et fromages, charcuteries, volailles et œufs, poissons frais, jus de fruits et vins, soins du corps, produits d’entretien, papeterie de base… Tous ces produits sont bio (ou au minimum naturels) ou écologiques et, sauf exception quand ce n’est pas possible comme par exemple pour le thé ou le café, en provenance directe des producteurs. Un point essentiel à souligner est que nous ne sommes pas des clients mais des adhérents d’un système fondé sur la coopération solidaire. À l’instar de voisins qui se donnent volontiers un coup de main, chacun participe à tour de rôle, et selon ses possibilités, au fonctionnement de l’association : préparation et distribution des paniers et des commandes, bricolage, tenue de stand… Si chacun offre un peu de son temps, tout le monde est gagnant. C’est une autre organisation sociale et une façon concrète de reprendre en main sa consommation de manière agréable.
Tout Naturellement existe depuis onze ans, bien avant que ce soit la mode du bio. Comment et pourquoi est-elle née ?
J.-L. : L’association a été créée en 2001 par un groupe d’écocitoyens qui ont souhaité mettre en place à leur niveau, c’est-à-dire localement, des solutions concrètes. Le principe du « penser global et agir local ». Cela a commencé à Aix avec un marché de producteurs qui a entraîné par la suite les commandes groupées et les paniers hebdomadaires. Nous sommes aujourd’hui installés à Meyrargues.
Quelle a été son évolution ?
J.-L. : Je n’ai pas vécu toutes les évolutions de Tout Naturellement, puisque j’y suis entré il y a quatre ans. Mais il est évident qu’en onze ans, le contexte, et donc notre fonctionnement, ont évolué. Depuis deux ans, on vit surtout l’effet paradoxal du Grenelle de l’environnement. D’un côté, il a permis de crédibiliser l’agriculture biologique et c’est, bien sûr, une bonne chose. D’un autre côté, la distribution classique dont le modèle économique était en crise (rappelez-vous les supermarchés qui lançaient des rayons discount et des rayons en vrac car ils ne savaient plus comment baisser encore les prix) y a vu l’opportunité de se relancer et a « poussé les feux » pour développer ses filières, mais sans faire pour autant progresser l’agriculture biologique en France (qui atteint péniblement les 3 % des terres cultivées), car elle fait produire essentiellement à l’étranger où les terres et la main-d’œuvre sont moins chères. En parallèle, beaucoup d’associations qui soutiennent, elles, les agriculteurs locaux (donc l’emploi et la production en France) ont vu le nombre de leurs paniers baisser. Notre premier souci est aujourd’hui de mieux communiquer sur le fait que l’agriculture biologique sous-tend un modèle économique et d’organisation de la société fondé sur la coopération intelligente et solidaire plutôt que dominé par la compétition aveugle. Non, le « marché » ne règle rien de lui-même. C’est chacun, par ses actes, qui influe sur le fonctionnement collectif. C’est aussi l’occasion pour nous de faire évoluer notre système. Nous réfléchissons actuellement au fait de mettre en place plus de mini-dépôts : un adhérent chez qui on livrerait les commandes pour quatre ou cinq autres proches. Premier avantage : simplifier l’accès de chacun aux commandes groupées. Deuxième avantage : un meilleur bilan écologique puisque un seul véhicule assurerait l’essentiel de la tournée.
Pensez-vous que ce modèle soit duplicable ?
J.-L. : Ce modèle a déjà été dupliqué puisque c’est au sein de Tout Naturellement qu’est née, il y a deux ans, l’association Tout Nat’ St-Max, située à Saint-Maximin, qui est aujourd’hui autonome. Nous ne cherchons pas à nous dupliquer, mais plutôt à mutualiser le système. Depuis quelques mois, plusieurs associations (dont des Amap) ont rejoint notre système de commandes groupées mensuelles en piochant dans notre catalogue ce qu’elles n’ont pas déjà par leurs propres producteurs. Avec notre site de commandes en ligne et notre local de stockage, nous proposons de mutualiser la logistique (ce qui peut alléger de beaucoup la charge des bénévoles référents). Chaque association garde le rôle essentiel de la distribution à ses adhérents, base du lien social. Comme je le disais précédemment, Tout Naturellement est un outil qu’il nous appartient de faire évoluer ensemble. Et c’est cela qui est passionnant.
http://toutnaturellement.fr